Ce site dédié à l'oeuvre de Charles JULIET est un espace de documentation subjective et de rencontre entre ses Lecteurs et l'Association "La Cause des Causeuses", avec son accord, les principaux événements concernant son actualité éditoriale et ses rencontres publiques y ont été évoqués. Suite à son décès le 28 Juillet 2024, ce site est désormais consacré à la mise en valeur de son oeuvre.
ANTHOLOGIE SUBJECTIVE oeuvre de CHARLES JULIET | 02.08.2024 | TE REJOINDRE p.66-69 | 2015
ANTHOLOGIE SUBJECTIVE oeuvre de CHARLES JULIET | 04.08.2024 | ATTENTE EN AUTOMNE | 2001

ANTHOLOGIE SUBJECTIVE oeuvre de CHARLES JULIET | 03.08.2024 | GRATITUDE | 2017

 

25 septembre (2007)

Je ne sais comment parler de ce désir apparu en moi à l’adolescence et qui n’a cessé ma vie durant de me tourmenter. Mais ce n’était pas un désir. Plutôt une tension, une lourdeur, un certain quelque chose d’indéfinissable, la sensation, un besoin enfoui, flottant entre conscient et inconscient. Le besoin de m’échapper, de gagner ce lieu inconnu où pouvoir me dilater, me déployer, n’avoir plus de limites. Cet insatiable besoin de liberté était-il la conséquence de ces années d’Aix où j’ai parfois durement souffert de voir ma jeunesse enserrée dans des murs ? Je ne le crois pas. Cela se situait sur un autre plan. Sans doute était-ce l’aspiration à vivre l’immense, l’intemporel. Qu’est-ce que tout cela qui n’est pas éternel ? remâchait Thérèse d’Avila. C’est ce que j’ai toujours éprouvé. Déjà à l’adolescence… Parfois, pendant des jours, je n’ouvrais plus ni livres, ni cahiers, accablé par l’obsession du temps qui fuit, nous entraîne, nous pousse chaque jour un peu plus vers la mort. Pourtant, par la suite, je me suis découvert accordé au quotidien, profondément enraciné dans la réalité. Il n’empêche qu’il y a toujours chez moi cette insatisfaction, si vive qu’elle est parfois une souffrance. En fait, rares ont été les époques, voire les moments où j’ai pu m’abandonner au présent.

                J’écris cette note en ce jour de fin d’été alors que depuis deux mois cette tension semble être tombée, et quel bien-être je ressens. Mais aussitôt je m’interroge, me demande si je dois voir dans cet apaisement la perte d’une part de ce que je suis. Je ne le pense pas. Il s’agit peut-être simplement d’un effet de maturité.

                J’ai toujours su que je devais adhérer au présent, mais les faits montrent qu’il m’a fallu attendre des années avant de pouvoir vivre avec tout mon être ce à quoi j’aspirais.

                (En fin d’après-midi d’une belle journée de printemps, boulevard Saint Germain, à Paris, j’étais resté en arrêt près d’un homme qui buvait une bière à la terrasse d’un café. Bien calé sur sa chaise, bras reposant sur les accoudoirs, il fumait une cigarette et d’abandonnait au plaisir de l’instant – du moins l’ai-je supposé. Pendant un bref instant, je m’étais nourri de ce spectacle, bien que navré de savoir qu’un tel plaisir m’était refusé.)

 

CHARLES JULIET, GRATITUDE, JOURNAL IX  ( 2004-2008 ), P.O.L , 2017

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